Le Tadjikistan.
La Route du Pamir.
Bulunkul.
Partant de Zong, nous remontons et prenons la direction de Langar en changeant de vallée. Nous quittons la rivière Panj pour suivre la Pamir. Mais l’autre versant est toujours l’Afghanistan et les montagnes toujours aussi belles. Il y a notamment une crête très découpée qui se détache sur le ciel bleu et ce champ couvert de fleurs jaunes donne une note colorée dans cet univers minéral.
Nous grimpons toujours et dépassons les 3000 m d’altitude. Des passages délicats, Nios notre chauffeur est très concentré, mon regard évite le précipice pour les sommets.
Un col à plus de 4200 m et nous arrivons au poste frontière de Khargush. Les militaires relèvent nos identités et nous quittons la vallée de la Pamir pour celle de la Khargush qui descend du lac du même nom où elle prend sa source.
Nous dépassons le col de Khargush et longeons le lac de Chukurkul puis celui de Churkukul avant d’atteindre Bulunkul. Le ciel est très nuageux et de grosses averses tombent au loin.
À Bulunkul, nous nous installons au gîte puis déjeunons en compagnie d’autres touristes. L’après-midi, nous partons découvrir le lac Bulunkul bordé de montagnes enneigées pour certaines et semblant d’origine volcanique pour d’autres.
Nous passerons un grand moment à faire une partie du tour de ce lac avant que Nios nous récupère pour aller visiter le lac Yachikoul. Mais mauvaise surprise l’accès est payant et ce n’est vraiment pas donné. Tout le monde paye, touristes, guide, chauffeur, véhicule. Ayant vu le lac Bulunkul qui est décrit comme le plus joli et pour manifester notre désaccord devant ce montant prohibitif, pour rebroussons chemin et rentrons au gîte pour un peu de repos avant de ressortir visiter ce petit village.
Bulunkul est réputé pour être l’endroit le plus froid du Tadjikistan. L’hiver dernier (2023) il y avait peu de neige mais la température est descendue à -58°C. Heureusement que nos lits sont pourvus de bonne couette et couverture car il fait 14°C dans la chambre ! Nous nous réchaufferons en déjeunant avec une bonne couverture sur les jambes et à l'extérieur j'ai enfilé ma grosse polaire car il fait vraiment froid et beaucoup de vent.
Le gîte est tenu par une famille Kirghize à l’accueil très chaleureux. Feruza retrouve cette femme et elles semblent s’apprécier.
Murghab.
Nous quittons notre petite famille de Bulunkul et prenons la route pour Murghab en remontant la partie de piste déjà faite la veille puis bifurquons sur celle qui va vers le nord en suivant la frontière chinoise.
Nous parcourons les hauts plateaux, passons par plusieurs lacs, une source à l'eau limpide, des yaks.
Les paysages sont splendides surtout avec un ciel souvent orageux.
Nombreux arrêts pour prendre des photos, nous en profitons souvent pour grimper sur de petits reliefs histoire de dominer le paysage et avoir une plus belle vue et de nous habituer à l’altitude, nous sommes proches des 4000 m.
Arrivés à Murghab, nous nous installons à l’hôtel et y déjeunons. Puis balade dans la ville, ce qui est vite fait. Il n’y a pas vraiment de centre, les bâtiments sont disposés parallèlement à la route qui traverse la bourgade avec des rues secondaires. De petites maisons, le marché constitué de containers en rang, mais c'est très animé, des enfants jouent dehors, font du vélo.
Nombreux bâtiments municipaux, gouvernementaux immédiatement identifiables à la photo du Président placardé sur la façade. Le marché se tient le matin et nous ne voyons pas beaucoup de boutiques ouvertes. Une mosquée, la place avec la statue de Lénine saluant le peuple.
Ici ce sont essentiellement des Kirghizes, ils nous font penser aux mongols avec leur faciès très asiatique. Ils ne parlent pas tadjik mais kirghiz et russe et c’est dans cette seconde langue que Feruza et Nios s’adressent à eux. L’Islam est plus présent par les mosquées que nous avons vues alors que les Ismaélites n’ont pas de lieu de culte.
Je bénéficierai d’un tout petit peu de 4G, juste assez pour aller faire les MAJ sur mon site, mais pas de partager des phots. Nous sommes vraiment au bout du monde, le Wi-fi de l’hôtel n’accède pas à Internet.
Karakul.
Avant de quitter Murghab, nous faisons quelques courses au marché pour le pique-nique du lendemain. Des tomates, concombres et de l'ail pour Nios !
Nous partons de 3600 m d’altitude à Murghab et grimpons doucement par une route asphaltée assez bonne. Cette fois nous longeons la frontière avec la Chine, longue rangée de poteaux et de fil barbelé délimitant une zone tampon. La vraie frontière est un peu plus loin. La ligne de poteaux s'étend sur des kilomètres.
La pente s’accentue et nous arrivons au col Ak Baytal à 4655 m. Un petit arrêt pour immortaliser notre plus haute altitude. Le ciel est très gris, il tombe peu de neige, il fait très froid avec du vent et j'enfile ma grosse polaire par-dessus la plus fine et relève ma capuche. Nios s'occupe de sa voiture comme toujours et Feruza nous accompagne. Elle nous dira qu'à Douchanbé il fait 38° !
Le col plongé dans le brouillard avec le vent n'est vraiment pas accueillant et nous ne nous éternisons pas.
Puis nous descendons dans la vallée qui peu à peu s’élargit et laisse place à l’immense lac Karakul. Là encore nombreux arrêts pour prendre des photos.
Nios nous emmène en 4X4 jusqu’au bord du lac aux eaux bleu profond sur fond de montagnes à 6000 ou 7000 m dont les sommets sont recouvert de neige. Nous sommes mi-juillet ! et il tombe encore de la neige sur ces sommets.
Nous avançons jusqu’à la bourgade de Karakul pour aller nous installer dans le gîte et déjeuner. Une grande salle à manger pour accueillir les touristes et tout au tour des chambres de 3 à 4 lits. Une salle de bain des plus sommaire qu'on utilisera pas car la porte ne ferme pas.
C'est un voyage où il ne faut pas être difficile sur le côté "hygiène" car bien souvent dans les gîtes et même certains hôtels nous aurons eu des douches pratiques mais pas vraiment confortables, ni "clean". Dans les gîtes, les toilettes posent vraiment problème, il faut s'adapter et se "pincer" le nez ... Mais nous sommes habitués à ce genre de périple, on vu pire !...
Nous occupons notre après-midi par des balades dans le village et vers le bord du lac. Des femmes tirent de l'eau d'un puits, des enfants font du vélo, des vaches rentrent seules à l'étables. C'est tout de même un peu désert.
Chaque petite ville est pourvue d'une garnison militaire, nous aurons souvent croisé des patrouilles de 3 à 5 militaires qui gardent la frontière.
La vallée du Bartang.
Sawnob.
Nous quittons Karakul en empruntant la même route qu’à l’aller mais, au bout de quelques kilomètres, bifurquons pour prendre une piste qui chemine dans la plaine du lac. Cette piste n'est pas toujours indiquée sur les carte, mais Nios bifurque sans hésitation, il la connait bien. Je la retrouve sur MAPS.ME
Le ciel n’est pas vraiment dégagé et les sommets enneigés émergent des nuages. Nous suivons une petite rivière, la Bartang, qui serpente dans la plaine. Les montagnes nous dominent, leurs sommets perdus dans les nuages.
Rencontre de deux bergers avec leur troupeau de moutons et chèvres, passage d’un pont improbable. Mais la piste est assez bonne et nous cheminons dans des paysages superbes.
Les roches des montagnes changent de couleur, certaines aux tons verts et d’autres rouge et jaunes. Les contrastes sont saisissants et nous demandons fréquemment à Nios des arrêts pour prendre des photos.
Cette partie du haut plateau est souvent dans les nuages et nous regrettons le manque de soleil pour valoriser ces paysages.
Rencontre de nomades et leur troupeau vivant dans une petite maison précaire avec parfois une yourte.
La petite rivière de départ est maintenant bien plus grosse et tumultueuse. La vallée se resserre et la piste serpente à flanc de montagne devenant parfois bien étroite avec des passages délicats coincée entre les éboulis ou la falaise et la rivière en contrebas.
Un arrêt pour un pique-nique et un peu de repos pour notre chauffeur. Nous reprenons la piste, les paysages sont grandioses, les montagnes puissantes nous dominent de leurs roches torturées avec un festival de couleurs.
C’est vraiment notre meilleure journée tant cette piste est belle et les paysages somptueux. A chaque petit col, au détour d’un virage, le paysage change et nous allons de surprises en surprises. Un peu plus bas dans la vallée, nous traverserons quelques hameaux installés dans des plaines verdoyantes et le contraste de cette verdure avec la roche désertique des montagnes est saisissant.
Nous finissons par arriver à Sawnob, petit hameau de six familles et nous nous installons dans le gîte tenu par une d’elles. Toujours un accueil chaleureux, l’habitat est traditionnel, bien décoré. Nous nous installons sur l’estrade en extérieur sous les abricotiers pour un thé avant de partir faire une petite balade et voir des gorges de plus près. Repas en compagnie de Feruza et Nios comme à l’accoutumée.
Une excellente journée qui restera gravée.
Khijez.
Nous quittons le gîte de Sawnob et nos hôtes si accueillants et poursuivons la descente de la vallée de Bartang. Nous reprenons donc la route qui suit la rivière éponyme qui maintenant est très grosse, tumultueuse et chargée de sédiments.
La piste est toujours aussi compliquée, elle grimpe sur le flanc de la montagne pour éviter un éperon rocheux, redescend, longe la rivière coincée entre la rive et les éboulis ou la falaise, se fraie un chemin dans les gorges étroites, débouche dans une petite plaine verdoyante avec un village. Cette piste est incroyablement belle et dangereuse.
Heureusement qu'elle est peu fréquentée car elle est si étroite qu’serait bien difficile de se croiser. Il ne faut pas non plus craindre le vertige car cette étroite et mauvaise piste longe des précipices où on distingue la rivière tout en bas, coincé contre la falaise. Mais Nios est vraiment un expert et nous sommes bien obligés de lui faire confiance!
Petite étape aujourd’hui et nous avons le temps pour de nombreux arrêts, prendre des photos et quelques vidéos tout en marchant un peu dans ce décor irréel. Étant au niveau de la rivière, les pics enneigés nous dominent, nous écrasent de leurs crêtes déchiquetées, les éboulis menacent de nous ensevelir, la rivière de nous emporter. Quelle journée fantastique !
Nous arrivons à Khijez, petit havre de verdure perdu dans le chaos de roches, et nous nous installons chez nos hôtes pour ensuite déjeuner sur une estrade en plein air.
Tout le long de la piste nous avons traversés des villages plus ou moins importants et toujours entourés ou au milieu de zones de cultures verdoyantes grâce aux canaux d’irrigation prélevant l’eau des torrents des vallées latérales. Le contraste est saisissant entre les zones rocheuses désertiques, hostiles et ces oasis de verdures accueillants.
L’après-midi, nous décidons de poursuivre un peu la piste longeant la rivière Bartang. En marchant on prend vraiment conscience de l’étroitesse de la vallée et de l’immensité du paysage. Autant la vallée de la rivière Panj présentait des roches essentiellement granitiques et peu torturées, ici, dans la vallée de Bartang, la roche est un schiste déchiqueté, plissé par les mouvements tectoniques. Cette route est fréquemment coupée par des glissements, éboulements, crues de la Bartang.
Vallée de Geisev.
Ce matin, lever et petit déjeuner tôt car nous avons une excursion de prévue.Nous descendons la vallée en voiture sur 8 km et nous arrêtons au niveau d’une passerelle suspendue, c’est le début de la randonnée pour la vallée de Geisev. Le pont, d’une trentaine de mètres, enjambe la rivière Bartang dont les eaux filent à toute vitesse et perturbent l’équilibre pour progresser.
Nous longeons la rivière qui à un moment disparaît pour réapparaître au niveau d’un col. Ce col est un barrage naturel et l’eau disparaît dans la masse d'éboulis qui lui barre le passage.
Nous continuons et 6 km plus loin apparaît un petit lac entouré de quelques habitations. C’est le premier village de Geisev. Une famille, avertie de notre arrivée, est en train de préparer le repas. Une chèvre a été abattue pour notre arrivée et on nous propose du foie et des pommes de terre. Raté pour notre régime végétarien ...
Nous laissons Ludo et Nios et avec Feruza continuons de remonter la petite vallée pour découvrir le second lac et le second village.
C’est le village haut et le lac est orné de nombreux arbres. Paysage calme et serein. Les maisons sont entourées de cultures, de nombreux canaux d’irrigation les desservent et l’ambiance est très bucolique. Nous nous aventurons jusqu'au bout du village, les femmes préparent le repas, les enfants jouent.
Retour au village bas pour le repas avec la famille qui nous a accueilli à notre arrivée. C'est le couple qui a cuisiné pour nous accueillir, ils s'affairent autour du foyer à l'extérieur.
Ludo, redescendu avant nous, a bien discuté en anglais avec la chef de famille qui était parti travailler en Russie et qui est revenu dans son village où la vie, bien que plus dure, est bien plus authentique et sereine entouré de ses enfants.
Ils vivent d’élevage et de cultures dans cette petite vallée. Une microcentrale électrique alimentée par l’eau de la rivière fournit l’électricité aux maisons. L’école pour les enfants est dans le village haut distant de deux kilomètres. Là, en été, c'est un petit paradis coupé du monde vivant dans la quiétude et le labeur.
Nous repartons par le même sentier, nous aurons marché 17 km et gravi 500 m, retour au gîte pour un repos bien mérité.
Retour à Kalaikhum.
Lever tôt ce matin pour rejoindre Kalaikhum. Petit déjeune au gîte et quelques dernières photos puis nous quittons Khijez un peu avant 7 heures et prenons la route vers Rushan toujours en longeant la tumultueuse rivière Bartang.
A Rushan nous retrouvons la rivière Panj et la frontière afghane. Nous connaissons cette route en travaux et Nios souhaite rejoindre Kalaikhum pendant la pose des travailleurs de 11h30 à 14h.
Mais comme toujours, ça ne se passe pas comme prévu. Nous serons à l’arrêt juste une demi-heure après avoir passé Rushan et quand la route se libère, c’est la ruée. Les 4X4 se pressent, se doublent, se klaxonnent, tout le monde veut vite passer et parcourir la piste défoncée, au milieu des travaux le plus vite possible.
Secoués, ballottés, on s’accroche pendant que Nios négocie les trous, les bosses, les tranchées à une vitesse effrénée.
Deux autres arrêts assez courts, notamment proche de Kalaikhum où un employé avait carrément fermé l'accès.
Nous arrivons après plus de 7 heures de route et allons directement nous restaurer.
Retour à Douchanbé.
Nous quittons Kalaikhum pour Douchanbé, la route est certes longue (350 km) mais sans difficulté particulière. Nous reprenons la route déjà faite à l'aller en arrivant à Rouchan. Puis à partir de Kulob, il y a une sorte de brume qui s’intensifie à mesure que nous descendons en altitude. Il s’agit d’un vent de poussière et la visibilité devient très réduite, un kilomètre tout au plus, j’ai un peu mal au crâne. Feruza nous dira que c’est un vent de poussière qui vient d’Afghanistan.
Nous arrivons à Douchanbé après 5 heures de route, il fait particulièrement chaud (35°c), nous nous installons à l’hôtel, un peu de repos et nous ressortons nous balader en ville.
Ce soir, dernier repas avec Feruza et Nios. Ils ont choisi un restaurant très familial, il n’y a aucun touriste, juste de nombreuses familles, c’est très animé.
Retour sur le voyage, la bonne entente que nous avions, les moments difficiles sur la piste à cause des travaux et les merveilleux paysages que nous avons traversés. Nos aurevoirs et remerciements à l’entrée de l’hôtel avec le cœur serré de quitter nos compagnons de route.
Aujourd’hui, nous avons quartier libre toute la journée à Douchanbé, nous prendrons le vol de retour dans la nuit et l’agence à prévu cette journée de sécurité car la route de retour était bien longue et difficile.
Lors du petit déjeuner, surprise, nous voyons à la télé un reportage sur le musée de Pentjikent avec Feruza, la conservatrice de ce musée, qui commente les œuvres exposées. Une "célébrité" notre guide !
Nous partons nous balader dans Douchanbé malgré la chaleur accablante. Les principaux monuments où est systématiquement placardé la photo de "Notre Président" mais aussi les anciens quartiers aux bâtiments de style soviétique, les quartiers populaires grignotés par les nouvelles constructions. Partout où notre regard se porte, des grues, des chantiers de construction. Douchanbé change radicalement.
Retour sur notre périple.
Nous avons fait appel à une agence Ouzbek pour organiser ce voyage. Nous avions rencontré Sherzod, le directeur de cette agence, qui accompagnait un groupe de français en Ouzbékistan qui a élaboré plusieurs projets. Nous avons affiné le parcours en consultant des guides, notamment le Lonely Planet. Notre projet initial était de parcourir les routes du Pamir et rester dans les zones désertiques montagneuses qui longent la frontière afghane ainsi que faire une incursion dans les hauts plateaux du Bartang.
Ce voyage fait parti de notre Top 10. Des paysages somptueux, une super entente avec nos guides et chauffeur, un accueil exceptionnel de la part de tadjiks et kirghizs, une nature préservée et des contacts authentiques avec les habitants et dans les gîtes.
Nous nous souviendrons longtemps de ces paysages grandioses, de la gentillesse et de l'hospitalité des tadjiks et kirghiz, des rencontres, des invitations, des sourires.
Un grand merci à Sherzod qui a conçu ce voyage, à Feruza et Nios qui nous ont accompagnés, à tous ces jeunes guides qui nous ont fait découvrir des sites d'exceptions.
Vous pouvez nous envoyer vos demandes de renseignements, vos commentaires, en cliquant sur ce lien qui renvoie au formulaire de contact pour nos voyages. Alors, n'hésitez pas !
Je vous partage ici quelques chansons de Daler Nazarov, immense chanteur tadjik. Mais aussi Muboraksho Mirzoshoyev aux morceaux si doux.
Cette musique orientale nous a accompagné tout au long de notre périple ajoutant de la magie aux sublimes paysages traversés. Je l'écoute encore avec beaucoup de nostalgie ...